Une sombre ville, à la frontière entre Lumière et Ténèbres... Dans un lieu qui jamais n'aurait dû exister... Où seul l'éclat de la Lune éclaire parfois les ruelles... Un portail de Lumière de forme humaine apparaît et laisse passer un jeune homme encapuchonné dans une longue cape blanche. Possédant un coeur empli de sentiments purs envers une jeune femme. Une cible parfaite pour les Sans-coeur d'Illusiopolis. Ceux-ci ne tardent d'ailleurs pas à surgir du sol par dizaines. Le jeune homme est seul. Les Sans-coeur ont tellement hâte d'attaquer qu'on pourrait presque s'attendre à les voir saliver à l'idée d'emporter avec eux un coeur encore palpitant. Dans le ciel, de lourds nuages masquent la Lune. De longues minutes s'égrènent. Les seuls sons audibles sont les gémissements tourmentés des âmes prisonnières des corps des Sans-coeur, seul moyen à leur disposition pour exprimer leur désespoir. Au loin, on entend déjà le tonnerre gronder. Soudain, n'y tenant plus, l'un des Sans-coeur se jette à l'assaut tandis que les premières gouttes s'abattent avec dureté sur les êtres perdus en ce lieu. Un éclat métallique illumine la scène. Une fumée noire entoure la chaîne qui a jailli dans l'obscurité. Un éclair dévoile la bataille à venir, suivi immanquablement du tonnerre. Semblable à un hurlement de rage.
Raito se bat. Pour survivre encore. Pour la sauver. Pour oublier qu'il se bat. A chaque ennemi vaincu toujours un autre prend sa place. La capuche de tissu blanc est enlevée, la cape vole derrière le jeune homme tandis qu'il utilise ses deux chaînes pour éliminer les créatures ténébreuses. Un rictus de colère déforme son visage. Il n'est pas assez fort pour lui venir en aide. Malgré ses combats maintenant presque quotidiens, sa force n'augmente pas. Il ne sait pas où chercher. Alors il se bat. A corps perdu. Dans l'espoir qu'enfin ses espoirs s'achèvent. Ou qu'il réussisse à trouver un indice. Partout autour de lui les Sans-coeur s'évaporent, il est blessé, mais il ne sent pas la douleur. Trop insignifiante parmi sa douleur. Mais peu à peu, ses forces s'épuisent. Sa rage est toujours aussi brûlante, mais son corps ne suit plus. Il esquive de moins en moins les attaques. Les siennes sont de moins en moins rapides. Les Sans-coeur, eux, ne cessent d'apparaître, alléchés qu'ils sont de mettre les griffes sur une proie qui s'offre à eux.
Alors, seulement, Raito s'arrête. Ses chaînes retournent dans ses poignets. Les Sans-coeur, déconcertés, marquent un temps d'arrêt. Leurs proies ont tendance à fuir ou à se battre, pas à attendre leur fin. Ils ont raison. Raito n'attend pas. Il se souvient. Il se souvient de ce qu'il ne se souviendra plus. Il sait qu'il ne pourra plus voir l'éclat de ses yeux, entendre son rire, sentir la fraîcheur de son parfum, toucher la douceur de ses cheveux et goûter la tendresse de ses lèvres. Alors il lève les yeux. Les Sans-coeur savent. Ils sentent les Ténèbres, et l'odeur de tristesse qui l'attire. Un cri déchire alors la nuit.
"Non !!!"
Les marques de Raito s'illuminent comme jamais auparavant elles ne s'étaient illuminées. Puis les chaînes recouvrent ses poignets. La chaîne gauche devient bleue tandis que la chaîne droite devient rouge. Les trois marques apparaissent sur le T-shirt du jeune homme, sur sa cape et sur son front. Le yeux de Raito se colorent des trois couleurs primaires, baignés de larmes mêlées aux gouttes de pluie. Les Ténèbres ne s'empareront pas de lui cette nuit. La tristesse recule, en même temps que les Sans-coeur. Le messager du Destin utilise tout son nouveau potentiel pour lutter. Les chaînes traversent les rangs des Sans-coeur, fauchent les corps immatériels, et reviennent vers leur propriétaire, dessinant des motifs complexes pour celui qui les observeraient depuis le ciel. La douleur est telle qu'il ne la sent même plus. Il ne sait qu'une chose. Les Sans-coeur ne viendront plus. Avant de s'évanouir, il ouvre un portail, et s'y engouffre, pendant que l'éclat de la Lune perce les nuages.